le livre
Yoshiko Kusano, Caroline Minjolle et Francesca Palazzi (éditrices) pour Frauen*streikfotografinnen, un collectif de 32 photographes, né sous l’impulsion de Yoshiko Kusano.
Nous, au cœur de la Grève féministe
© 2020 collectif Frauen*streikfotografinnen
ISBN 978-3-033-07858-1
Le 14 juin 2019, des centaines de milliers de concitoyen·nes ont manifesté dans les rues du pays pour clamer haut et fort la cause des femmes. C’est un fait: dans notre pays la parité entre les sexes, l’égalité des salaires et des droits, le droit à la liberté de mouvement et d’action pour les femmes restent de l’ordre de la chimère. Ce début de XXIè siècle est marqué par le mouvement mondial #metoo, déclenché par l’affaire Weinstein. Partout dans le monde, la cause des femmes reçoit de plus en plus d’attention médiatique. Pendant ce temps, la réalité du quotidien reste glaçante. En Suisse, pays considéré à maints égards comme un modèle, les femmes font encore face à de nombreuses discriminations dans la vie publique comme dans leur vie privée. Réitérant l’action fondatrice de la première grève des femmes du 14 juin 1991, les principaux syndicats du pays ont appelé à une mobilisation générale le 14 juin 2019.
À Berne, la photographe Yoshiko Kusano a une idée saisissante: demander à ses collègues photographes femmes de documenter la journée. L’enthousiasme se fait très vite sentir: en quelques jours se constitue un collectif de plus de trente professionnelles, photographes sur l’ensemble du territoire helvétique. Elles s’apprêtent à vivre une journée riche en images et en émotions, qui mérite une couverture médiatique large. Les photographes ont une certitude: l’événement doit être capturé par des femmes. Avant le jour J, elles parlent de leur projet aux principaux médias du pays: des photographies prises par des femmes seront disponibles via l’agence de presse freshfocus.swiss.
La journée du 14 juin se déroule en fanfare! Des dizaines d’actions à travers le pays, des moments de complicité et de révolte, des situations inédites; nos photographes documentent inlassablement et participent à l’euphorie générale. Le soir même, chacune des photographes livre une partie de ses photos à l’agence de presse freshfocus.swiss. On s’attend à un raz de marée de demandes. Malheureusement, peu de ces images ont été publiées. De nombreux médias, malgré leur engagement à privilégier les photos du collectif, ont fait appel à leurs fournisseurs réguliers – des hommes pour la plupart d’entre-eux.
En septembre 2019, les photographes du collectif se réunissent à Berne pour partager leurs souvenirs de la grève. On se rencontre, souvent pour la première fois, et on se pose quelques questions impérieuse: Que faire de ces images? Que garder de cette journée mémorable? Que transmettre de notre expérience? Toutes sans exception nous avons constaté l’euphorie durable déclenchée par cette journée, l’énergie et les vibrations positives au-delà de nos attentes, l’irrévérence, l’intelligence, l’humour, la force et la volonté incarnées par ces milliers de femmes. Cette énergie nous porte encore aujourd’hui et nous allons tout mettre en oeuvre pour en garder un souvenir palpable. Le projet s’impose rapidement ; ce sera un livre photographique.
En tant que collectif constitué ad hoc, au pouvoir décisionnaire indéfini, par quel bout prendre la chose? Un groupe de travail se constitue par cooptation. C’est lui (ou plutôt elles) qui prend les rênes du projet, au nom de toutes. Le corpus visuel est là, dans toute son hétérogénéité, débordant, redondant, émouvant. Il a fixé en images des scènes de foules, des détails vestimentaires, des mots, des provocations, beaucoup de sourires et aussi de la colère, des couleurs, des émotions, de la générosité et de l’inventivité. Que cette journée a été créative! De combien d’imagination dans la revendication a fait preuve la foule en général et chacun·e de ses participant·es en particulier!
La question s’est posée de savoir s’il fallait aussi poser des motssur nos images. Des mots d’une sociologue, d’une historienne du féminisme, d’une philosophe, d’une écrivaine, qui encadreraient, expliqueraient, formuleraient avec davantage de précision. Nous avons rapidement décidé que non. Nos images parlent d’elles-mêmes. Elles doivent simplement être publiées. La complicité qui se dégage entre les femmes devant et derrière l’objectif font de ce projet un objet documentaire unique. Ces images prises par plus de trente photographes au quatre coins de la Suisse dialoguent et se répondent faisant fi des frontières linguistiques et générationnelles.
Avec le soutien de:
Un grand merci à la fondation Else von Sick, Ellen Ringier et la fondation Dr. Adolf Streuli pour leur soutien.